16 Octobre 2016
ALLÉE DES FORTIFICATIONS : OÙ EN SOMMES-NOUS ?
1) Les associations de défense du Bois de Boulogne n’ont pas pu bloquer le projet …
- Les associations se sont également mobilisées pour alerter les pouvoirs publics, à commencer par le ministre de l’intérieur et la ministre de l’écologie. Les ambassades concernées ont été toutes informées ainsi que le ministre des affaires étrangères. Le discours tenu a toujours été le même : le lieu choisi, un site protégé ouvert à la promenade publique, n’est pas adapté à l’implantation projetée. D’autres choix existent dans l’arrondissement (la mairie d’arrondissement a fait des propositions en ce sens) et les associations sont disposées à se mobiliser pour participer à la concertation qui pourrait être nécessaire. *
- Les services de l’Etat, pourtant dûment alertés, se sont solidarisés avec ce qui n’était au départ qu’un choix « spécial » de la Ville de Paris. En particulier, celle qui pouvait bloquer le projet, la ministre de l’Écologie, ne l’a pas fait. Dans un site classé comme le Bois de Boulogne, aucun aménagement, fût-il temporaire, ne peut se faire sans le « feu vert » (l’expression n’est pas la plus appropriée) du ministre chargé des sites. Le silence de la ministre pendant 6 mois aurait valu refus. Elle a cependant donné accord au projet, en l’assortissant de conditions.
- Le permis de construire délivré par le Préfet, en son dernier état le 18 mars 2016 (le premier, insuffisamment motivé, avait été retiré), les associations n’ont eu d’autre choix que de déposer des référés-suspension auprès du juge administratif. En dépit des nombreuses irrégularités qui avaient été relevés, les recours des associations ont été écartés, y compris à la suite de leur pourvoi en cassation auprès du Conseil d’Etat.
- Plus rien ne pouvant empêcher la réalisation du projet, il s’est réalisé pendant l’été. Des convois exceptionnels et des énormes engins de levage ont démontré, s’il en était besoin, que cette implantation, réputée précaire, n’était pas anodine. Un constat d’huissier a relevé la manière dont les fondations (coulage de blocs de béton et petits pieux) ont été réalisées.
2) … Mais le projet n’est plus tout à fait le même …
- Ensuite sa consistance. Prévu pour 300 personnes au départ, il a été redéfini à 200 personnes. S’agissant des personnes hébergées, SDF et familles, dont le séjour n’a pas vocation à se prolonger au-delà de quelques semaines ou de quelques mois, le Préfet de Région n’a pas manqué de rappeler que c’est à lui qu’il appartient de mener la politique d’hébergement d’urgence et que le centre s’apparentera à un centre d’hébergement et de réinsertion sociale (certains futurs pensionnaires ayant déjà une activité).
- Enfin sa durée. Si la convention d’occupation précaire du domaine public a été signée pour 5 ans, le permis de construire précaire lui n’a été accordé que pour 3 ans, en raison de la limitation explicite apportée par l’autorisation ministérielle. Cette autorisation du ministre en charge des sites, réputée non renouvelable, exige en outre la « renaturation » de l’Allée au terme du délai de 3 ans, dans le cadre d’un « projet paysager ambitieux ».
3) … Et leur combat va continuer jusqu’à son terme
Mais elle est également entachée d’une grave irrégularité : un bien du domaine public doit être utilisé conformément à son affectation ou faire l’objet d’une nouvelle affectation, en suivant les règles de procédure appropriées. Une route est faite pour la circulation, pas pour la construction de logements.
La portion concernée de l’Allée des Fortifications aurait donc dû être déclassée du domaine public routier, après enquête publique. Cela n’a pas été fait et cette absence de déclassement vicie d’autant plus la procédure que la route est d’ores et déjà définitivement fermée à la circulation puisque le site devra être « renaturé » au terme du délai de 3 ans.
- Ensuite la libération du site. Les recours au fond et la vigilance des associations auront au minimum comme résultat d’obtenir que les engagements pris (et confirmés dans les mémoires en défense de la Ville et de l’Etat, lors des procédures en référé) soient tenus. Les porte-parole de l’Association Aurore ne tiennent pas un autre discours et confirment le déménagement du centre au terme de l’autorisation. Passé le délai de 3 ans (le juge doit encore trancher la date de départ du délai : celle de l’autorisation ou celle de l’ouverture du centre), l’occupation du site sera en effet illégale et exposera ses contrevenants à des sanctions pénales. Le site devra être non seulement libéré mais aussi remis en état, ce que les associations de défense du Bois de Boulogne interprètent comme incluant aussi le sous-sol.
- Enfin le renforcement de la protection du Bois de Boulogne. Ce projet a montré, une nouvelle fois, que la protection d’un site aussi exceptionnel que celui du Bois de Boulogne, n’était plus assurée par le seul « rempart » du ministre en charge des sites. Face à la pression foncière (la partie du Bois de Boulogne comprise entre la Ville et le périphérique intéresserait les promoteurs immobiliers) et face aux projets d’aménagement en tout genre que peut y avoir la Ville de Paris, il faut une nouvelle loi pour garantir la vocation de ce bien unique.